L’impact de la dyslexie, dyspraxie, dysorthographie au travail : talents invisibles, richesse collective.

Le monde professionnel se réinvente sans cesse. Agilité, créativité, résilience : les soft skills particulières sont plus que jamais recherchées.

Et pourtant… certains profils restent cantonnés à une case “inclusion”, perçue davantage comme un fardeau que comme une richesse pour l’entreprise.

Bienvenue sur mon blog, je m’appelle Claire Stride, je suis spécialisée en neurosciences et en neurodiversité.

Une jolie formulation étoilée… pour une réalité bien concrète : en France, 8 à 10 % des adultes sont concernés par un trouble « dys ».

Cela représente environ 1 salarié sur 10 dans une entreprise classique.

Non, ce n’est pas quelque chose d’isolé que d’être “dys”

Dans cette constellation aux multiples facettes, je vais ici me concentrer sur les trois troubles les plus courants :

  • La dyslexie, un trouble de l’acquisition du langage écrit. Lire, écrire, ou décoder les mots reste un effort cognitif important, même à l’âge adulte.
  • La dyspraxie, un trouble de la coordination gestuelle. Le corps ne suit pas toujours ce que le cerveau lui demande de faire, en particulier dans les gestes fins ou techniques.
  • La dysorthographie, un trouble de l’orthographe et de la production écrite. Les règles apprises à l’école ne sont pas intégrées de manière automatique, rendant la production d’écrits « corrects » (syntaxe, orthographe) extrêmement difficile.

Beaucoup ignorent même être concernés par ces troubles, faute de diagnostic.

D’autres le savent mais n’osent pas en parler, par peur d’être jugés.

2) Quel est le quotidien de travail d’un salarié dys ?

Ce que les non-dys perçoivent (ou croient percevoir)

👉 Des fautes dans les e-mails

« Encore un “é” à la place d’un “er”… il est vraiment débile ou il ne sait pas se relire ? »

Ce. n’est. pas. de. la. négligence.

Pour les personnes dyslexiques ou dysorthographiques, chaque mot est un effort de composition.

Même après plusieurs relectures, des erreurs peuvent persister.

👉 Des délais plus longs pour produire un document

“Ah la la c’est pas possible de mettre autant de temps à envoyer un simple mail”

Ce simple “mail” ou un rapport, peut nécessiter plusieurs heures, car l’écriture lui demande une concentration maximale et épuisante. Le risque d’erreur est tel que la personne passe énormément de temps à vérifier, corriger, reformuler.

👉 Des hésitations à prendre la parole en public

« Il ne veut pas intervenir ? Bon… je ne vais pas le forcer. »

Par peur de bafouiller, d’utiliser un mot maladroit ou de ne pas organiser ses idées clairement, beaucoup de profils dys évitent les prises de parole en groupe.

👉 Des difficultés d’organisation

« Il ne sait vraiment pas s’organiser. C’est pas compliqué de faire une to-do list, pourtant. »

Planifier, hiérarchiser, découper les priorités en actions concrètes demande des ressources cognitives que ces profils doivent mobiliser en permanence.

Vous l’avez compris : aux yeux des collègues ou de la hiérarchie, le salarié dys peut passer pour un « employé lent, désorganisé, incompétent ».

Ce que les non-dys ne voient pas

👉 Une fatigue cognitive chronique

Pour faire le mieux possible, pour compenser leurs difficultés, ces salariés déploient une énergie énorme, qui forcément, les épuise.

À la fin de la journée, la surcharge cognitive atteint un niveau comparable à celui du surmenage.

👉 Des stratégies de compensation en mode survie

Des systèmes ingénieux pour masquer les difficultés : s’appuyer sur des collègues, survoler les tâches, éviter certains types de projets. Cela demande un effort constant, souvent invisible.

👉 Une peur du jugement

Chaque prise de parole, chaque mail, chaque document devient un terrain miné : « vais-je encore être vu comme incompétent ? »

👉 Le poids des échecs passés

Chaque « petit échec » au travail ravive les souvenirs douloureux de l’école : moqueries, punitions, honte… Ces expériences marquent, et façonnent les comportements actuels.

👉 Un stress chronique

Vivre en vigilance constante épuise le système nerveux. Cela entraîne des troubles du sommeil, une hyper-réactivité émotionnelle, un risque accru de burn-out.

Vous l’avez compris : le salarié dys se perçoit parfois lui-même comme “lent” ou “inapte”, alors qu’il déploie bien plus d’énergie que ses collègues pour réaliser les mêmes tâches.

Quels sont les talents des profils “dys” ?

On parle beaucoup de ce qui « coince », mais bien moins de ce que ces profils peuvent apporter aux équipes.

Petit tour d’horizon de leurs forces et de leurs talents :

👉 Une pensée globale

Plutôt qu’un raisonnement linéaire, les cerveaux « dys » fonctionnent par associations et visions d’ensemble. Cela leur procure une capacité unique à connecter leurs idées.

👉 Une créativité instinctive

S’adapter en permanence développe l’imaginaire : solutions originales, angles de vue décalés, capacité à innover face à l’inattendu.

👉 Une résilience impressionnante

Avoir traversé l’école, les études, le monde pro en compensant des difficultés invisibles forge une endurance peu commune.

👉 Une adaptabilité naturelle

Changer de méthode, trouver un nouveau chemin, se réinventer : pour ces profils, ce n’est pas un luxe, c’est le quotidien.

👉 Une autonomie dans la résolution de problèmes

Peu formés à « faire comme tout le monde », ces talents développent des stratégies uniques, souvent très efficaces.

👉 Une intelligence émotionnelle affinée

La sensibilité au contexte, aux signaux faibles et aux émotions des autres est souvent élevée — avec une empathie précieuse dans le travail collectif.

👉 Un humour et une autodérision salutaires

Savoir rire de soi et des situations difficiles devient un véritable moteur social.

3) Ce que les entreprises peuvent ET DOIVENT faire

Adapter les outils et les processus

👉 Démocratiser et permettre l’utilisation d’outils spécialisés comme des correcteurs grammaticaux avancés (Antidote, Grammalecte, …)

👉 Encourager l’usage des dictées vocales

👉 Proposer la création de supports visuels plutôt que rapports écrits pour alléger la charge cognitive (schémas, cartes mentales, vidéos, …)

👉 Donner des temps supplémentaires pour réaliser les productions écrites, sans stigmatiser

👉 Limiter les doubles consignes (oral / écrit) qui saturent la mémoire de travail.

Transformer véritablement la culture managériale

👉 Encourager le mentorat interne notamment entre les personnes dys

👉 Former les RH et managers à détecter et gérer ces profils, sans les “pathologiser”

👉 Nommer un référent inclusion dans l’équipe qui soit former à traiter ces sujets

👉 Sensibiliser les équipes aux notions d’inclusion en entreprise

👉 Construire un climat global d’inclusion et de sécurité psychologique

Qu’est ce que dit la loi ?

Les troubles dys relèvent du handicap invisible.

Ils permettent de bénéficier d’une RQTH (Reconnaissance de Qualité de Travailleur Handicapé).

L’entreprise a alors l’obligation de mettre en place des aménagements de poste lorsqu’ils sont demandés.

Et si je me reconnais ?

Vous vous demandez si vous êtes concerné ?

Posez-vous ces quelques questions :

  • Les fautes d’orthographe ou de syntaxe reviennent malgré vos efforts ?
  • Vous passez un temps démesuré à organiser ou hiérarchiser vos tâches ?
  • Vous évitez certaines prises de responsabilités par peur de vous « planter » ?
  • Vous vous sentez souvent épuisé par des tâches qui semblent « faciles » pour d’autres ?

Si oui, il est peut-être temps de creuser la question.

👉 Pour en savoir plus :

Fédération française des dys

Employer une personne dys n’est pas une « charge RH ».

C’est un investissement dans l’intelligence collective.

Cela suppose d’abandonner les vieux critères de normalité, de comprendre que la richesse d’une équipe vient de sa diversité cognitive.

Le futur du travail sera plus humain, plus souple, pluriel.

Et les talents dys y ont toute leur place.

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